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Ligue de Défense des Personnes Trans - Europe

Site destiné à information et action pour la protection des personnes dites "trans". Site destined for information and action in the protection of transgender people

Beaucoup de bruit pour rien ? La journée internationale de la femme en France

Beaucoup de bruit pour rien ? La journée internationale de la femme en France

L’égalité au travail passe par l’égalité à la maison. On fait beaucoup de bruit autour de la journée de la femme, des inégalités criantes qui perdurent au travail et dans le sphère familial, d’un sexisme qui persiste malgré des décennies d’efforts pour y mettre fin. Des lois sur l’égalité homme-femme ont été votées, la discrimination sexuelle est réprimée, mais en 2015, on ne peut pas dire que tout cela a été une réussite.

Et si c’était finalement beaucoup de bruit pour rien, que des choix de société en matière de famille et le marché implicite entre les femmes et les hommes qui en découle ont créé une situation où finalement personne ne veut vraiment que cela change ?

Il est vrai que la France n’a jamais brillé en termes d’égalité homme-femme. Les femmes n’ont eu le droit de vote qu’en 1944, on pouvait encore lire dans les livrets de famille en 1985 que c’était à l’époux en principe d’administrer les biens communs et la mixité dans les écoles n’était acquise réellement qu’après mai 1968. Les différents codes (civil, travail, agriculture, …) en dépit d’un nettoyage progressif depuis les années 50, reste profondément marqué par la différenciation des sexes dès qu’il s’agit de la famille.

Le domaine réservé de la femme

Par rapport à « la garde, la surveillance et l’éducation » des enfants, en dépit d’une neutralité affichée dans certains textes de loi entre le père légal (biologique ou adoptif) et la mère légale, l’inégalité parentale reste toujours consacrée juridiquement et socialement. Le « congé mère de famille » (article L3141-9 du code du travail et de nombreuses conventions collectives), réservé uniquement aux femmes, salariées et apprenties, ne fait l’objet d’aucun débat en dépit de son caractère ouvertement discriminatoire, excluant les pères de famille remplissant les mêmes critères. Une femme ayant élevé trois enfants peut partir plus tôt à la retraite, ce qui n’est pas appliqué à un homme remplissant les mêmes critères. Jusqu’au 17 mai 2013, le congé d’adoption, qui, à la différence du congé maternité n’a aucun fondement biologique en termes de repos post-grossesse, était uniquement réservée aux femmes, comme si c’était la fonction de la femme de s’occuper de jeunes enfants, même sans lien de sang.

Cela donne un certain pouvoir : une femme qui accouche sous X prive unilatéralement le père biologique de tous ses droits – la femme étant réputée de ne pas avoir accouché, le père n’existe tout simplement plus.

Le congé paternité reste optionnel, sans maintien du salaire dans bon nombre de cas, et le partage obligatoire de la deuxième moitié du congé maternité – déjà pratiqué dans les pays nordiques afin d’obliger une meilleure répartition des tâches entre parents – inspire un certain malaise ici dès qu’on en parle ou est tourné en dérision (« le père va aussi faire la moitié de la grossesse ? », alors qu’au-delà de quelques semaines le besoin de récupération physique s’est estompé et la question est plutôt celle d’approfondir les liens affectifs et de prendre soin de l’enfant).

Les choix structurants de la Loi sur l’égalité homme-femme en 2013 et 2014

En 2013 et 2014, dans le cadre des débats sur le projet de loi sur l’égalité homme-femme, le législateur a décidé – au travers de ses décisions sur le sort du congé parental et de la résidence des enfants en cas de divorce- de préserver les fondements du statu quo, par la même favorisant l’inégalité homme – femme au travail, en préservant le domaine réservé de la femme par rapport aux enfants.

Lors des débats sur le congé parental, en 2013, on pouvait lire une députée, Valérie Pécresse, dire sans ironie apparente: « Pensez-vous que le plus grand nombre sont les pères qui ont envie de changer des couches ? » et plus loin « Si on veut rééquilibrer les responsabilités des pères et des mères dans l'éducation … cela sera socialement mieux vécu par les entreprises de voir les pères s'impliquer dans des problèmes un peu plus compliqués. » et « Il sera aussi mieux toléré en entreprise qu'un père de famille prenne 6 mois de congé car son enfant est en crise d'adolescence, plutôt que 6 mois car il n'a pas de solution de garde durant la petite enfance. »

Tout en admettant que le congé parental pour s’occuper d’un jeune enfant est un frein à la carrière, elle veut que cela reste le domaine des mères. Les rôles sont clairs : pour le père, s’occuper de jeunes enfants serait optionnel, pour la mère légale il n’y aurait pas de choix – elle serait par ailleurs considérée comme « mauvaise ». Dans ce postulat, il serait « naturel » que la femme reste à la maison et l’homme travail, influant ainsi sur leurs parcours professionnels respectifs et infirmant toute possibilité d’égalité professionnelle. C’est le choix adopté par le parlement.

En cas de divorce, dont la majorité touche des familles avec des enfants mineurs, on lit même aujourd’hui dans les jugements sur la résidence des enfants que pour le père légal, le « droit de visite et d’hébergement » - où il voit ses enfants 25 % du temps et 0 % les nuits avant l’école – serait « usuel ». Pour la mère légale, par contre, un droit de visite et d’hébergement est considéré comme une sanction, socialement et au regard de la jurisprudence.

La résidence alternée n’existe que depuis 2002 et sa mise en place dépend généralement de la bonne volonté de la mère légale. En cas de contestation de la demande de résidence alternée par celle-ci, le père légal a moins d’une chance sur cinq d’obtenir gain de cause, tandis que la contestation par le père de la résidence unique chez la mère légale est très rarement couronnée de succès. Seulement 3 % des enfants de moins de deux ans vivent avec leur père en cas de divorce et, globalement, c’est chez la mère légale que la résidence est fixée 79 % du temps. Pour les parents non mariés, le taux de résidence est de 84 % chez la mère légale. Pour certains couples, c’est un choix conjoint, mais pour bien trop d’autres, c’est le juge aux affaires familiales qui tranche en faveur d’une certaine vision des rôles familiaux normés, à la demande de la mère légale.

En effet, à la pression sociale s’ajoute l'association entre mère légale et résidence de la part des JAF (juges aux affaires familiales, très majoritairement femmes), qui apparaît crûment dans le cas des parents transidentitaires : dans deux cas récents, en 2014 (Versailles) et 2015 (Lorient) le refus d'une résidence alternée était basée en grande partie sur le fait que même une résidence à mi-temps chez l'autre parent, femme mais père biologique, créerait une confusion quant à qui est la "vraie mère". Il ne faut pas s'étonner que le taux de résidence autre que chez la mère légale (alternée ou exclusive chez le père légal) soit extrêmement faible.

Le législateur a, lors des débats sur le projet de loi sur l’égalité homme-femme en 2014, fait le choix d’écarter tout automatisme de fixation de résidence alternée, à la différence d’un nombre croissant de pays, préférant le statu quo. Or, dans la perspective d’une égalité professionnelle, la résidence alternée – en partageant les responsabilités parentales – est la seule façon de la garantir.

Le marché implicite : complémentaires, pas égaux, à la maison comme au travail

Le résultat – entre congés mère de famille, congés parentaux réservés à un seul des parents, résidence quasi exclusive des enfants chez la mère légale en cas de divorce, absence d’obligation de congé paternité, un système scolaire qui pousse l’un des parents à travailler au 4/5ème - est que la garde, la surveillance et l’éducation des enfants reste le "domaine réservé de la mère légale". Après tout, plus que 2/3 des divorces sont initiés par la mère légale - et même si on peut déplorer les cas d’abandon par le père légal, loin d’être la règle - et elle sait pertinemment qu'elle aura la résidence, sauf faute grave de sa part.

Corollairement, pourquoi un père légal s’investirait réellement dans la garde, la surveillance et l’éducation de ses enfants en sachant que, en cas de divorce, il aurait moins d’une chance sur cinq de les voir plus que le minimum syndical ? Pourquoi prendrait-il le congé parental dans un pareil cas et risquer sa carrière sans l’assurance de rester avec ses enfants en cas de divorce et ne bénéficiant aucunement de la possibilité de partir à la retraite plus tôt ? Pourquoi prendrait-il un 4/5ème ?

Et est-ce que la mère légale voudrait qu’il le fasse « à sa place » ? En perdant son statut social de parent principal, et face aux discriminations qui perdurent dans le monde du travail, ce ne serait pas nécessairement dans son intérêt.

Un « marché » implicite s’instaure entre hommes et femmes où chacun évite le risque de perdre sa place en allant à contre courant, en ouvrant ou en allant dans le monde des couches et des biberons.

C’est la « complémentarité » et non l’égalité, correspondant au modèle (quoi qu’aménagé avec le divorce et la loi de mai 2013) de la famille de l’Eglise Catholique. La France reste malgré tout la fille ainée de celle-ci. Le tollé autour de la Loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption par les couples du même sexe s’explique pour partie dans son atteinte, du point de vue des milieux traditionnalistes, aux fondements de ce marché.

Et le système se reproduit de génération en génération, les fils et les filles de parents divorcés voient très clairement quel sort leur sera réservé en tant que père ou de mère légale, selon le sexe qui leur a été assigné à la naissance. Soit ils s'y plieront, soit ils essaieront d'éviter de se faire prendre dans l'engrenage, comme ce garçon de 12 ans qui - face à la situation où, contre son gré, il ne voit son père biologique que 25 % du temps - m'a avoué récemment : "Je voudrais un enfant, mais je ne veux pas me marier. Je voudrais adopter seul." Comme ça au moins, il n'y aurait personne qui puisse le priver de son enfant et son enfant n'aura pas à vivre ce qu'il a vécu.

Ce marché implicite n’évoluera pas dans l’immédiat : un choix a été fait avec la Loi sur l’égalité homme femme en 2013 et 2014. Ce choix, incompatible avec une véritable égalité homme-femme dans le monde du travail, rend le 8 mars quelque peu hypocrite en France, beaucoup de bruit pour rien.

Samantha Montfort

‪#‎donthavechildreninfrance‬ ‪#‎nayezpasdenfantsenfrance‬

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